Loi du 27 juillet : un rééquilibrage entre bailleurs et locataires ?
La loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite de logements a été adoptée par le Sénat en deuxième lecture le 14 juin 2023. Après recours devant le Conseil Constitutionnel et décision du 26 juillet 2023, la loi a été promulguée le 27 juillet 2023.
Ce texte, très dense et décrié par une partie de la classe politique contient deux volets, parfois confondus, pourtant totalement distincts :
- Le cas du squat
- Le cas du locataire défaillant
Nous nous intéresserons ici au seul cas du locataire défaillant…
Le nouveau texte contient quelques mesures qui ont pour objectif de rééquilibrer les droits entre locataires et propriétaires bailleurs. Saluons ces mesurettes…Et regrettons leur timidité, ainsi que l’amalgame, au niveau de la loi et des commentaires officiels, entre le cas du squat et le cas du locataire défaillant…
1°/ La création d’une nouvelle infraction pénale
Il est créé un article 315-2 du Code Pénal qui prévoit que peut être puni d’une peine de 7 500€ d’amende un occupant sans droit ni titre qui se maintient dans les lieux plus de deux mois après un commandement régulier de quitter les lieux faisant suite à une décision d’expulsion définitive et exécutoire. Cette situation peut concerner un locataire qui fait l’objet d’une mesure d’expulsion, par exemple dans le cadre d’une procédure de référé faisant suite à des impayés ou dans le cadre d’une procédure en validation de congé.
Sa mise en œuvre nécessite que les recours contre la décision de justice prononçant une expulsion aient été épuisés et que des poursuites pénales soient engagées. Il n’est pas certain que, sauf cas très significatif ou/et médiatique, le parquet poursuive les contrevenants.
Quant à la citation directe devant les tribunaux répressifs, émanant du propriétaire bailleur, elle reste possible mais longue et couteuse.
Il y a donc de fortes chances pour que ce texte soit peu utilisé, en ce qui concerne les locataires qui se maintiennent dans les lieux en dépit d’une décision de justice ordonnant une expulsion.
2°/ La clause résolutoire et les procédures d’expulsion
Il est prévu l’insertion dans tout contrat de bail d’une clause résolutoire. Cette disposition a une portée pédagogique, pour ne pas dire médiatique. En effet, il était jusqu’à présent toujours possible d’insérer une clause résolutoire dans un contrat de bail. Le nouveau texte précise uniquement que « tout contrat de bail » contient une clause résolutoire… Cela ne signifie pas que cette clause résolutoire est de plein droit… Si elle ne figure pas dans le bail elle ne pourra pas recevoir application, sauf autre interprétation de la jurisprudence à venir !
Auparavant le bailleur pouvait saisir le juge des référés deux mois après un commandement de payer, par assignation délivrée au moins deux mois à l’avance, afin qu’il soit constaté l’acquisition de la clause résolutoire et voir prononcer l’expulsion.
Le juge des référés pouvait octroyer des délais et suspendre les effets de la clause résolutoire.
A présent le délai de deux mois entre le commandement de payer et l’assignation en référé est porté à 6 semaines ainsi que le délai entre l’assignation et la date d’audience. Le juge peut accorder des délais qui ne peuvent à présent dépasser un an, au locataire, pour régulariser la situation mais uniquement si celui-ci est en mesure de régler sa dette locative et s’il a « repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience ».
Ajoutons que le délai de deux mois institués par l’article L412-1 du CPCE entre le commandement de quitter les lieux en vertu d’une décision de justice exécutoire et l’exécution peut être supprimée par le juge s’il retient la mauvaise foi du locataire.
Nul doute que les bailleurs solliciteront l’application de ce texte. Il reste à déterminer quel sera la réponse judiciaire apportée à cette demande.
Par ailleurs le locataire faisant l’objet d’une expulsion ne pourra se voir accorder un délai, dans la limite d’un an (au lieu de trois ans précédemment) si sa mauvaise foi est retenue.
Notons que le fonctionnement des commissions départementales de coordination des actions de prévention des expulsions subit quelques modifications et, également, qu’un prochain décret fixera les conditions dans lesquelles peut intervenir une indemnité du bailleur lorsqu’il n’est pas fait suite à une demande de concours de la force publique, alors qu’à l’heure actuelle se sont les tribunaux administratifs qui fixent, souverainement, en cas de désaccord, les conditions et le montant de l’indemnisation. Espérons que le décret sera rapidement publié. En attendant, le bailleur concerné par cette problématique continuera à se prévaloir de la jurisprudence ancienne pour rechercher une juste indemnisation…